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Urbanisme – Certificat d’urbanisme, cristallisation du droit, révision du PLU, sursis à statuer et autorisation tacite

Par 6 décembre 2023Actualité

On ne rappellera jamais assez l’importance de solliciter un certificat d’urbanisme avant dépôt d’une autorisation d’urbanisme, afin de cristalliser les règles d’urbanisme opposables. L’affaire qui fait l’objet du présent commentaire en est une parfaite illustration.

Elle rappelle également l’importance de confirmer sa demande de permis de construire postérieurement à l’annulation d’un refus ou sursis à statuer – comme c’était le cas en l’espèce – afin de pouvoir revendiquer, en cas de silence, un permis de construire tacite.

En l’espèce, deux sociétés (A et B) avaient formulé, chacune pour ce qui l’intéresse, une demande de permis de construire sur un même terrain pour deux projets distincts. Ces sociétés avaient pris soin de solliciter un certificat d’urbanisme pour ces projets, lesquels avaient été délivrés le 26 octobre 2017.

Le PLU étant en cours de révision, le débat du conseil territorial de l’établissement public concerné sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durable (PADD) s’était tenu le 10 avril 2018.

Les demandes de permis de construire déposées, pour la société A le 21 août 2018 et pour la société B le 9 novembre 2018, ont fait l’objet de sursis à statuer, au motif que lesdits projets compromettaient les objectifs du futur PLU.

Si ces arrêtés ont été notifiés dans les délais d’instruction prévus par le code de l’urbanisme, ils sont cependant intervenus postérieurement au débat sur le PADD, contrairement à ce que prévoit l’article L.153-11 du code de l’urbanisme.

C’est pourquoi les deux sociétés ont saisi le tribunal administratif de MELUN d’un recours en annulation contre les sursis à statuer.

Dans l’attente des jugements à intervenir, les deux sociétés ont toutefois pris soin de confirmer leur demande de permis de construire à l’expiration du délai de 2 ans en application de l’article L.424-1 du code de l’urbanisme :

« A l’expiration du délai de validité du sursis à statuer, une décision doit, sur simple confirmation par l’intéressé de sa demande, être prise par l’autorité compétente chargée de la délivrance de l’autorisation, dans le délai de deux mois suivant cette confirmation. Cette confirmation peut intervenir au plus tard deux mois après l’expiration du délai de validité du sursis à statuer. Une décision définitive doit alors être prise par l’autorité compétente pour la délivrance de l’autorisation, dans un délai de deux mois suivant cette confirmation. A défaut de notification de la décision dans ce dernier délai, l’autorisation est considérée comme accordée dans les termes où elle avait été demandée ».

Les demandes de confirmation avaient été reçues le 8 décembre 2020 pour la société A et le 16 février 2021 pour la société B.

Le 9 février 2021, le Maire a opposé un refus de permis de construire sur le fondement de l’ancien PLU à la première demande de confirmation, soit plus de 2 mois après la demande, faisant naître un permis de construire tacite le 8 février 2021.

C’est pourquoi le 1er avril 2021, la société A a introduit un nouveau recours pour excès de pouvoir pour annuler le refus du 9 février 20212 et sollicité la délivrance d’un permis tacite (n°2102988).

Le 13 avril 2021, le Tribunal administratif de MELUN, par deux jugements (n°1902370 et n°1809832), a logiquement annulé les deux arrêtés de sursis à statuer et enjoint au maire de procéder au réexamen de la demande de permis de construire sur le fondement des règles d’urbanisme applicable à la date de la délivrance du certificat d’urbanisme (et alors que le nouveau PLU était sur le point d’être approuvé) dans un délai de 2 mois à compter de notification desdits jugements.

Le 22 avril 2021, le Maire a opposé un nouveau refus de permis de construire, toujours sur le fondement de l’ancien PLU mais ici encore au-delà du délai de 2 mois qui lui était octroyé, ce qui fondait également la revendication d’un permis de construire tacite. Ce nouveau refus a fait l’objet d’un recours en annulation introduit le 26 mai 2021 par la société B (n°2104969).

En revanche, le Maire n’avait pas répondu à l’injonction de réexamen du tribunal administratif.

Le 10 mai 2021, les deux sociétés ont donc pris soin de confirmer leur demande pour pouvoir revendiquer un permis de construire tacite en l’absence de réponse à l’injonction du tribunal sur le fondement de l’article L.600-2.

Il est en effet de jurisprudence constante que :

« 13. Il résulte de ces dispositions que l’annulation par le juge de l’excès de pouvoir de la décision qui a refusé de délivrer un permis de construire, ou qui a sursis à statuer sur une demande de permis de construire, impose à l’administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer. En revanche, un nouveau délai de nature à faire naître une autorisation tacite ne commence à courir qu’à dater du jour de la confirmation de sa demande par l’intéressé. En vertu des dispositions, citées au point 12, de l’article R. 424-1 du code de l’urbanisme, la confirmation de la demande de permis de construire par l’intéressé fait courir un délai de trois mois, à l’expiration duquel le silence gardé par l’administration fait naître un permis de construire tacite » (CE, 28 décembre 2018, n°402321)

En l’absence de décision après injonction dans un délai de 3 mois à compter de leur confirmation, des permis de construire tacites dont donc nés le 10 août 2021.

Après avoir sollicité la délivrance de permis de construire tacites par courriers reçus le 17 novembre 2021, et en l’absence de réponse dans un délai de 2 mois, des décisions implicites de rejet sont nées le 17 janvier 2022.

Les deux sociétés ont donc de nouveau introduit un recours en annulation contre les refus implicites de délivrer lesdits permis de construire tacite.

S’agissant des deux sociétés, le Tribunal administratif de MELUN a décidé de joindre les deux recours en annulation, soit celui contre l’arrêté portant refus de délivrance d’un permis de construire et celui contre le refus implicite de délivrer un permis de construire tacite.

Par deux décisions rendues le 30 mai 2023 le Tribunal administratif de MELUN, suivant la même argumentation dans les deux dossiers, a :

  • Déclaré nuls et de non effet les arrêtés opposant des refus après sursis à statuer ;
  • Annulé les refus implicites de délivrer des permis de construire tacites ;
  • Enjoint au maire de délivrer des certificats de permis de construire tacites dans un délai de 2 mois.

Premièrement, la Commune avait sollicité un non-lieu à statuer. Elle soutenait que l’annulation le 13 avril 2021 du sursis à statuer emportait implicitement mais nécessairement annulation de l’arrêté du 9 février 2021 refusant de délivrer le permis de construire sollicité puisque pris dans les suites de la confirmation de la demande de permis formée au terme du délai du sursis à statuer.

Le tribunal a rejeté l’argumentation de la Commune.

Deuxièmement, s’agissant de la demande d’annulation du sursis à statuer, le tribunal administratif a considéré que l’arrêté du 9 février 2021 intervenu avant annulation du sursis à statuer constituait un acte nul et de nul effet, la procédure de sursis à statuer étant devenue inexistante :

« 6. Un acte ne peut être regardé comme inexistant que s’il est dépourvu d’existence matérielle ou s’il est entaché d’un vice d’une gravité telle qu’il affecte, non seulement sa légalité, mais son existence même. Lorsque le juge de l’excès de pouvoir est saisi d’un recours dirigé contre un acte inexistant, il est tenu d’en constater la nullité à toute époque et de le déclarer nul et de nul effet »

Il en a déduit que l’absence de réponse à la confirmation post-jugement ne pouvait donc pas, contrairement à ce que soutenait la Commune, constituer une décision implicite confirmative de l’arrêté du 9 février 2021 et qu’il appartenait bien au maire de procéder à un nouvel examen de la demande sur injonction du tribunal.

Troisièmement, s’agissant du refus implicite de délivrance de permis de construire tacite, après avoir rappelé la jurisprudence constante précitée (CE, 28 décembre 2018, n°402321), le tribunal administratif de MELUN a jugé que la société A était bien titulaire d’un permis de construire tacite.

Il a donc annulé les refus implicite et enjoint au maire de délivrer les certificats de permis tacites dans un délai de 2 mois.

TA MELUN, 30 mai 2023, n°2102988 et 2201772

TA MELUN, 30 mai 2023, n°2104969 et 2201767

SLG