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La question de la compétence du Maire pour réglementer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur son territoire

Par 18 novembre 2019Actualité

Par un arrêté en date du 13 juin 2019, le maire de la commune de Gennevilliers a interdit l’utilisation du glyphosate et de produits phytopharmaceutiques à l’exception des produits à faible risque ou des produits qui n’ont pas fait l’objet de classement, autorisés en agriculture biologique et de bio-contrôle, pour l’entretien de certains espaces définis au sein dudit arrêté. Cet arrêté a été déféré devant le Juge des Référés du Tribunal Administratif de CERGY PONTOISE par le Préfet des Hauts-de-Seine.

Le Juge des Référés rappelle tout d’abord qu’il résulte du code rural et de la pêche maritime et du code général des collectivités territoriales que la police spéciale relative à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques avait été attribuée au ministre de l’agriculture et que le maire ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale qu’en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières.

Il retient ensuite que les produits phytopharmaceutiques visés par l’arrêtés constituent un danger grave pour les populations exposées et que la Commune soutient qu’elle subit une pollution considérable du fait des infrastructures majeures de transport présentes sur son territoire et que l’arrêté attaqué limite l’interdiction des produits phytopharmaceutiques qu’il liste à l’entretien des jardins et espaces verts des entreprises, des copropriétés, des bailleurs privés et privés sociaux, des voies ferrées et des tramways et leurs abords, des abords des autoroutes et routes qui la traversent, où l’usage de ces produits est encore autorisé.

La Commune s’est également prévalue de l’importance des populations vulnérables sur son territoire et notamment celles accueillies dans ses treize écoles, trois collèges et un lycée et dans l’établissement de santé spécialisé en rééducation fonctionnelle.

Le Juge des Référés a alors considéré, en tenant manifestement compte de la situation locale, que « eu égard à la présomption suffisamment établie de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des produits » précités et « en l’absence de mesures réglementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale », le maire de Gennevilliers a pu, sans l’entacher d’incompétence, prendre l’arrêté litigieux, en considérant que les habitants de sa commune étaient exposés à un danger grave (TA Cergy Pontoise, 08 novembre 2019, n°1912597).

Il a également tenu le même raisonnement s’agissant de l’arrêté pris par le Maire de Sceaux daté du 20 mai 2019, en mentionnant expressément la présence de huit crèches, huit écoles, deux collèges et quatre lycées, ainsi que quatre établissements de santé (TA Cergy Pontoise, 08 novembre 2019, n°1912600).

L’on remarquera que dans ces deux cas, un médecin avait été entendu à la barre, précisant que « les risques auxquels expose l’utilisation des produits chimiques et phytosanitaires portent sur des aspects environnementaux majeurs s’agissant de la pollution, persistante, des sols et de l’eau, et que de nombreuses études européennes et internationales montrent tous les risques potentiels et désormais avérés pour la santé des personnes de l’exposition, même lointaine, à ces produits, à travers la constatation du développement de diverses maladies pour les populations exposées »

Le tribunal aura-t-il, au fond, la même approche que le juge des référés ?

Ces décisions divergent fortement des autres décisions de justice rendues jusqu’à présent, notamment s’agissant de l’arrêté du Maire de Langouët interdisant les pesticides « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel », et en réduisant cette distance à 100 mètres dans certains autres cas ; celui-ci a été annulé par le Tribunal Administratif de Rennes, au motif de l’incompétence du Maire pour s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale confiée au ministre de l’agriculture ; ce jugement ne fait cependant pas mention de la notion de « danger grave et imminent » mentionnée par le Juge de Cergy-Pontoise, au visa de l’article L 2212-4 du CGCT (TA Rennes, 25 octobre 2019, n°1904029)

Le Juge des Référés du Tribunal de Cergy Pontoise a, à l’inverse de ses décisions du 8 novembre dernier, suspendu pour incompétence, l’exécution d’un arrêté du maire de Courbevoie interdisant l’utilisation du glyphosate et autres substances chimiques utilisées pour lutter contre des organismes considérés comme nuisibles sur le territoire communal, considérant que la Commune n’établissait pas l’utilisation effective de glyphosate sur son territoire, n’invoquait aucune circonstance locale particulière qui justifierait qu’elle s’immisce dans l’exercice de la police spéciale du ministre de l’agriculture et que l’existence d’un danger à court terme sur son territoire n’était pas établi (TA Cergy Pontoise, 14 novembre 2019, n°1913251).

Le Juge des Référés de Rouen a jugé dans le même sens en suspendant l’exécution de l’arrêté du maire de Sotteville lès Rouen interdisant l’utilisation des produits de type herbicides sur la Commune, considérant que l’arrêté ne mentionnait pas de circonstances locales particulières permettant de démontrer une situation de péril imminent, seule à même de justifier une intervention du Maire sur ce point (TA Rouen, 13 novembre 2019, n°1903763)

 

Pour d’autres décisions en ce sens :

TA Besançon, 16 septembre 2019, n°1901464 et 1901465 ;

TA Grenoble, 2 octobre 2019, n°1906106 ;

TA Melun, 8 novembre 2019, n°1908700 et 1908841 ;

TA Nantes, 8 novembre 2019, n°1911032 ;

TA Toulouse, 31 octobre 2019, n°1905869 ;

TA Versailles, 20 septembre 2019, n°1906708

 

GL le 18/11/2019